Dans le travail, être cadre dirigeant ne se résume pas à un titre valorisant. C’est un statut bien particulier qui vient avec ses propres droits, ses devoirs, et surtout, un fonctionnement différent du reste des salariés, en particulier concernant les horaires. Mais attention, ce n’est pas un statut qu’on obtient à la légère. Le Code du travail pose trois critères précis à remplir, et les juges ne laissent rien passer. Ils vérifient chaque détail.
Une décision rendue le 5 mars 2025 par la Cour de cassation (Cass. soc. 5 mars 2025, n° 23-23340 FD) vient rappeler à quel point ces conditions sont prises au sérieux.
Table des matières
Ce que dit la loi sur le statut de cadre dirigeant
L’article L. 3111-2 du Code du travail encadre strictement ce statut à part. Être cadre dirigeant, ce n’est pas juste avoir un poste à responsabilités ou un titre flatteur. C’est une position bien définie qui échappe aux règles classiques sur le temps de travail — comme la fameuse limite des 35 heures par semaine. Mais ce statut ne s’obtient pas juste parce qu’on l’écrit dans un contrat. Il faut que la réalité du travail corresponde à des critères précis.
Les trois conditions à remplir absolument
Un salarié ne peut être considéré comme cadre dirigeant que si les trois éléments suivants sont réunis :
- Il organise librement son emploi du temps, sans être encadré dans ses horaires.
- Il prend des décisions importantes de façon autonome, sans devoir en référer constamment à une hiérarchie.
- Il touche un salaire qui fait partie des plus élevés de l’entreprise.
Ces conditions sont strictes et doivent être toutes présentes en même temps. C’est au juge, au cas par cas, d’analyser si la réalité du poste remplit bien ces critères. Ce n’est donc ni automatique ni symbolique : seule la pratique compte.
Une condition de fond : être réellement impliqué dans la direction de l’entreprise.
Remplir les trois critères légaux ne suffit pas à lui seul. Ce n’est qu’un point de départ. Leur combinaison doit aboutir à une réalité bien concrète : le salarié doit effectivement jouer un rôle actif dans la gestion de l’entreprise.
C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation à plusieurs reprises, notamment dans un arrêt du 22 juin 2016 (Cass. soc. 22 juin 2016, n° 14-29246). Elle précise que cette implication dans la direction n’est pas un quatrième critère à part entière, mais plutôt la conséquence directe du respect des trois conditions exigées par la loi. Autrement dit, si ces critères sont réellement remplis, alors la participation à la direction doit naturellement découler du poste occupé. Sinon, le statut ne peut pas être retenu.
Tableau récapitulatif : conditions du statut de cadre dirigeant
Critère | Détail |
---|---|
Autonomie dans l’organisation du temps | Le salarié gère librement son emploi du temps. |
Pouvoir de décision | Il prend des décisions importantes sans validation hiérarchique systématique. |
Rémunération élevée | Il perçoit l’un des salaires les plus importants de l’entreprise. |
Conséquence attendue | Participe concrètement à la direction de l’entreprise. |
Ce que ça change d’être cadre dirigeant
Avoir ce statut, ce n’est pas juste symbolique. Il vient avec des implications concrètes qui modifient en profondeur les règles habituelles du travail :
- Il n’y a pas de limite d’heures à respecter dans la semaine.
- Aucune compensation pour les heures en plus, pas de majoration.
- Une vraie marge de manœuvre pour décider, sans être freiné par des validations constantes.
- Des responsabilités lourdes, souvent liées à la stratégie, au fonctionnement global ou aux finances de l’entreprise.
Mais attention, ce n’est pas parce qu’un contrat le mentionne ou qu’un poste figure en haut d’un organigramme que ça suffit. Ce qui compte, c’est la réalité du quotidien, les faits, pas les apparences.

La jurisprudence de 2025 : illustration d’un contrôle factuel strict
Les faits
Un salarié embauché comme responsable maintenance, puis nommé directeur achats d’une division ferroviaire, est licencié en 2018. L’entreprise considérait qu’il avait le statut de cadre dirigeant.
Le salarié, lui, conteste. Il engage une procédure pour réclamer le paiement d’heures supplémentaires. Il explique que :
- il n’avait pas d’autonomie réelle ;
- il était écarté des projets stratégiques ;
- Il était cantonné à des tâches administratives.
La décision de la cour d’appel
la cour d’appel estime que le salarié est bien cadre dirigeant car :
- son contrat de travail le précise ;
- il figure dans les cercles de management ;
- Il a la classification conventionnelle la plus élevée.
Le revirement de la Cour de cassation
Mais la Cour de cassation casse l’arrêt : les éléments retenus ne suffisent pas. Elle rappelle que l’autonomie réelle dans la prise de décision doit être démontrée dans les faits, pas seulement sur le papier.
Selon elle, l’absence d’autonomie dans l’exercice réel des fonctions empêche de reconnaître la qualité de cadre dirigeant, même si les apparences sont trompeuses.

Le rôle de l’employeur : rester vigilant dans les faits comme dans les papiers
Cette affaire met en lumière un point crucial : l’employeur doit rester attentif à ce qu’il écrit dans les contrats, mais surtout à ce qui se passe concrètement dans le travail du salarié.
Voici ce qu’il doit absolument faire :
- Prouver l’autonomie réelle du salarié : par exemple, en gardant une trace des décisions qu’il a prises, des budgets qu’il gère ou des projets qu’il pilote.
- Éviter les mentions creuses : un contrat qui parle de cadre dirigeant sans que la réalité suive, ça ne tient pas devant un juge.
- Anticiper les conflits : en rassemblant des preuves solides à produire en cas de contestation.
Sinon, l’entreprise s’expose à des conséquences lourdes : elle pourrait devoir verser des rappels d’heures supplémentaires, compenser des congés non payés, voire verser des dommages-intérêts. Une simple ligne dans un contrat ne protège pas si les faits racontent une autre histoire.
Subordination et autonomie : un équilibre délicat
Même un cadre dirigeant reste lié à son employeur par un rapport de subordination. Ce lien hiérarchique ne disparaît pas. Il coexiste simplement avec une certaine autonomie. Le tout, c’est que cette autonomie soit réelle et assez large pour montrer que la personne participe vraiment à la direction de l’entreprise — pas juste qu’elle gère une équipe ou applique des décisions. C’est ce que les juges vérifient systématiquement.
Des exemples pour mieux visualiser.
Cas accepté :
Un directeur financier dans une grande entreprise qui décide seul des investissements, siège au comité exécutif, gère un budget de 50 millions d’euros, oriente la stratégie de l’entreprise et n’a aucun horaire imposé.
Cas refusé :
Un responsable RH qui porte un titre valorisant mais doit faire valider toutes ses décisions par la direction RH, ne gère aucun budget, ne participe pas aux décisions stratégiques et respecte des horaires fixes.
Pour les salariés : ce qu’il faut vérifier
Si vous êtes salarié et qu’on vous classe comme cadre dirigeant, voici ce que vous devez examiner de près :
- Votre capacité à décider seul, sans validation constante.
- Votre position dans l’organigramme : êtes-vous dans les cercles de décision ?
- Votre rémunération est-elle comparable à celle des dirigeants ?
- Avez-vous un impact direct sur la stratégie de l’entreprise ?
Si ce n’est pas clair ou si vous pensez que ce statut vous prive de vos droits (comme le paiement des heures supplémentaires), vous pouvez le contester.
Pour l’employeur : les risques d’un mauvais classement
mal qualifier un poste peut coûter cher à l’entreprise :
- Rappels de salaires, indemnités, frais de justice…
- Risques URSSAF si les heures supplémentaires ne sont pas déclarées.
- Atteinte à la crédibilité si d’autres salariés décident à leur tour de contester.
Bref, il faut que le contrat reflète fidèlement la réalité du poste. Pas juste sur le papier, mais aussi dans les faits. Sinon, le risque juridique est bien réel.
Le statut de cadre dirigeant n’est pas un simple intitulé flatteur. C’est un régime d’exception, strictement réservé aux personnes qui ont une vraie place dans la direction de l’entreprise ou d’une unité stratégique. Il ne permet pas d’échapper aux règles sans justification. Bien au contraire.
La décision du 5 mars 2025 le rappelle clairement : ce statut doit reposer sur des faits concrets, visibles, et pas seulement sur ce qui est écrit dans un contrat. Le juge veut des preuves, pas des apparences.
Pour l’employeur comme pour le salarié, c’est donc une question essentielle en droit du travail. Mal définir ce statut, c’est prendre des risques juridiques importants. Le comprendre, c’est mieux se protéger.
Qu’est-ce qu’un cadre dirigeant au sens du Code du travail ?
C’est un salarié qui exerce de vraies fonctions de direction, avec une grande autonomie, un pouvoir décisionnel important et une rémunération élevée. Ce statut l’exclut des règles classiques sur la durée du travail.
Quelles sont les conditions à remplir pour être reconnu cadre dirigeant ?
Trois critères doivent être réunis en même temps :
Une liberté totale pour organiser son emploi du temps.
La capacité de prendre des décisions majeures en autonomie.
Un salaire parmi les plus élevés de l’entreprise.
Si ces trois points sont là, alors le salarié doit aussi avoir un rôle direct dans la direction de l’entreprise.
Peut-on être cadre dirigeant uniquement parce que c’est écrit dans le contrat ?
Non. Ce n’est pas parce que le contrat le mentionne que le statut est reconnu. Les juges se basent sur la réalité du poste, pas sur les mots.
Est-ce qu’un cadre dirigeant a des horaires ?
Il n’est pas soumis aux 35 heures ni au paiement d’heures supplémentaires. Mais il reste salarié et subordonné à son employeur.