Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur se retrouve confronté à une procédure strictement encadrée par le Code du travail. Cette situation, souvent délicate, exige une grande vigilance afin d’éviter tout risque de litige devant le conseil de prud’hommes. En effet, un licenciement pour inaptitude, qu’elle soit d’origine professionnelle ou non, doit répondre à des règles précises en matière de reclassement, de consultation des représentants du personnel et de respect des délais.
Malgré ces obligations légales, de nombreuses erreurs sont fréquemment commises, exposant ainsi l’employeur à des sanctions et à une possible contestation de la rupture du contrat de travail. Quelles sont ces erreurs et comment les éviter ? Voici huit points essentiels à connaître pour mener à bien une procédure de licenciement pour inaptitude en toute conformité.

Table des matières
le piège du licenciement pour inaptitude- Oublier d’organiser la visite médicale de reprise
Une visite obligatoire dans un délai précis- licenciement pour inaptitude
Certains arrêts de travail nécessitent obligatoirement une visite médicale de reprise, et son organisation relève de la responsabilité de l’employeur. Cette obligation concerne les cas suivants :
- Un arrêt pour accident ou maladie d’origine non professionnelle d’au moins 30 jours (si l’arrêt a commencé avant le 1ᵉʳ avril 2022).
- Un arrêt pour accident ou maladie d’origine non professionnelle d’au moins 60 jours (pour un arrêt débuté à partir du 1ᵉʳ avril 2022).
- Un arrêt pour accident du travail d’une durée minimum de 30 jours.
- Un arrêt pour maladie professionnelle, quelle qu’en soit la durée.
- Un congé maternité, peu importe sa durée.
La visite de reprise doit impérativement se tenir le jour où le salarié reprend son poste ou, au plus tard, dans les huit jours suivant son retour dans l’entreprise.
Risques en cas de non-respect- licenciement pour inaptitude
Si l’employeur ne respecte pas ce délai ou omet complètement d’organiser cette visite, le salarié peut en subir un préjudice reconnu juridiquement. Ce manquement peut alors ouvrir droit à des dommages et intérêts en sa faveur.
L’organisation de la visite relève exclusivement de l’employeur. Il doit convoquer le salarié par tout moyen, mais pour des raisons de preuve, il est recommandé d’envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception.
Omettre de reprendre le versement du salaire dans le mois suivant l’avis d’inaptitude

licenciement pour inaptitude. Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur doit entamer une recherche de reclassement ou, si aucun poste adapté n’est disponible, engager une procédure de licenciement.
Si, à l’issue d’un délai d’un mois après la visite médicale de reprise, ni reclassement ni licenciement n’a été mis en place, l’employeur est tenu de reprendre le versement du salaire. Cette obligation est automatique et s’applique sans exception.
Aucune suspension ou alternative possible.
Ce délai d’un mois ne peut ni être prolongé ni être suspendu. L’employeur ne peut pas non plus chercher à contourner cette obligation en versant une indemnité de congés payés non pris ou en imposant des congés au salarié. Seul le paiement du salaire permet de respecter cette exigence légale.
Le non-respect de cette obligation expose l’employeur à des sanctions et à une possible condamnation en justice en cas de litige avec le salarié.
Omettre la recherche de reclassement avant de procéder au licenciement
licenciement pour inaptitude . Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur doit obligatoirement rechercher une solution de reclassement avant d’envisager un licenciement. Cette obligation implique de proposer un poste adapté aux capacités du salarié, en tenant compte des préconisations médicales et des aménagements nécessaires.
L’emploi proposé doit être aussi proche que possible de celui précédemment occupé. Pour cela, l’employeur peut recourir à une mutation, à des ajustements de poste, à des transformations des conditions de travail ou encore à un aménagement du temps de travail. Si cette démarche n’est pas engagée, le licenciement peut être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Conséquences d’un manquement à l’obligation de reclassement
Si le juge considère que le licenciement repose sur un motif infondé, il peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise avec maintien de ses acquis. Si l’une des parties refuse, l’employeur devra verser une indemnité dont le montant est plafonné selon le barème Macron dans le cas d’une inaptitude non professionnelle. Pour une inaptitude d’origine professionnelle, l’indemnisation ne peut pas être inférieure à six mois de salaire.
Cas où l’obligation de reclassement ne s’applique pas
L’employeur est dispensé de cette recherche si l’avis d’inaptitude mentionne explicitement que :
- Le maintien du salarié dans l’entreprise est gravement préjudiciable à sa santé.
- Aucun reclassement n’est envisageable compte tenu de son état de santé.
Dans ces situations, l’employeur peut engager la procédure de licenciement immédiatement, sous réserve de justifier l’impossibilité de reclassement, le refus d’un poste proposé par le salarié ou un avis médical concluant à l’absence totale de solutions d’aménagement.
Voici un tableau récapitulatif des obligations et exceptions liées au reclassement avant un licenciement pour inaptitude :
Élément | Détail |
---|---|
Obligation de reclassement | L’employeur doit rechercher un poste adapté aux capacités du salarié, en tenant compte des recommandations du médecin du travail. |
Modalités de reclassement | Mutation, ajustement de poste, transformation des conditions de travail, aménagement du temps de travail. |
Conséquence de l’absence de reclassement | Licenciement pouvant être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. |
Sanctions en cas de manquement | – Si l’avis d’inaptitude indique que le maintien dans l’entreprise est gravement préjudiciable à la santé du salarié. – Si aucun reclassement n’est envisageable compte tenu de l’état de santé du salarié. |
– Si l’avis d’inaptitude indique que le maintien dans l’entreprise est gravement préjudiciable à la santé du salarié. – Si aucun reclassement n’est envisageable compte tenu de l’état de santé du salarié. | – Si l’avis d’inaptitude indique que le maintien dans l’entreprise est gravement préjudiciable à la santé du salarié. – Si aucun reclassement n’est envisageable compte tenu de l’état de santé du salarié. |
Conditions pour engager directement un licenciement | Justifier l’impossibilité de reclassement, le refus du salarié d’un poste proposé ou l’absence totale de solutions d’aménagement. |
Ce tableau permet de clarifier les obligations de l’employeur et les cas où la recherche de reclassement peut être omise.
Ne pas consulter le comité social et Économique (CSE) avant de proposer un reclassement
Quelle que soit l’origine de l’inaptitude du salarié (professionnelle ou non), l’employeur a l’obligation de consulter le comité social et Économique (CSE), si ce dernier est présent dans l’entreprise, avant de soumettre une offre de reclassement. Cette consultation est une étape clé de la procédure de reclassement et ne doit pas être négligée.
Pourquoi cette consultation est-elle indispensable ?
licenciement pour inaptitude- Faire appel au CSE permet à l’employeur de :
- Démontrer le sérieux de ses recherches de reclassement et ainsi réduire le risque de contestation.
- Obtenir un avis objectif sur l’adéquation entre les postes proposés et les recommandations du médecin du travail.
En l’absence de consultation ou si celle-ci est jugée irrégulière, le licenciement prononcé pourrait être considéré comme sans cause réelle et sérieuse, entraînant ainsi des conséquences financières pour l’employeur.
Exception : absence de CSE
Si l’entreprise ne dispose pas de CSE et qu’un procès-verbal de carence a été établi, l’employeur est dispensé de cette consultation. Dans ce cas, la procédure de licenciement pour inaptitude reste valide.
Ne pas justifier l’impossibilité de reclassement
Lorsqu’un reclassement est impossible, l’employeur doit impérativement en informer le salarié par écrit, en détaillant les motifs qui empêchent toute proposition de poste adapté. Cette communication est essentielle pour garantir la transparence et prévenir tout litige.
En cas d’omission de cette notification, l’absence d’explication écrite constitue une irrégularité de procédure, ouvrant droit pour le salarié à une indemnisation. Il est donc crucial de formaliser cette impossibilité afin d’éviter des sanctions.
Licencier un salarié pour inaptitude médicale sur la base de l’avis du médecin traitant au lieu du médecin du travail
Le médecin du travail est le seul professionnel compétent pour prononcer une inaptitude au travail. Un employeur ne peut pas se baser sur un certificat établi par le médecin traitant pour justifier un licenciement, sauf si cet avis est confirmé par le médecin du travail.
Si l’employeur engage un licenciement sur la base d’un certificat médical autre que celui du médecin du travail, ce licenciement est automatiquement déclaré nul. Toute rupture du contrat fondée sur une inaptitude non validée par le médecin du travail expose l’employeur à des contentieux et des sanctions.
Omettre la procédure spécifique aux salariés protégés
Les salariés protégés (représentants du personnel, membres du CSE, etc.) bénéficient d’un régime juridique spécifique en cas de licenciement pour inaptitude.
L’employeur doit :
- Consulter le CSE, qui doit donner son avis sur le projet de licenciement.
- Obtenir l’autorisation de l’inspection du travail, condition obligatoire pour valider la rupture du contrat.
En l’absence de CSE dans l’entreprise, c’est directement l’inspecteur du travail qui est saisi. Omettre ces étapes rend le licenciement irrégulier et peut entraîner sa nullité.
licenciement pour inaptitude- Omettre le versement de l’indemnité spéciale de licenciement
Une obligation légale en cas d’inaptitude professionnelle
Lorsqu’un salarié est licencié pour inaptitude professionnelle, que ce soit en raison de l’impossibilité de reclassement ou d’un refus justifié de l’emploi proposé, l’employeur a l’obligation de lui verser une indemnité spéciale de licenciement.
Calcul et montant de l’indemnité spéciale
Sauf dispositions conventionnelles plus avantageuses, cette indemnité est égale au double de l’indemnité légale de licenciement. Toutefois, si le salarié refuse un reclassement de manière abusive, il peut perdre le droit à cette indemnité.
En revanche, dans le cas d’une inaptitude non professionnelle, le salarié perçoit une indemnité équivalente à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, sans majoration.
L’absence de versement de cette indemnité constitue une irrégularité qui peut être sanctionnée par les prud’hommes.