Dans le monde professionnel français, les jours de RTT (Réduction du Temps de Travail) constituent un droit pour les salariés dont le temps de travail dépasse la durée légale de 35 heures hebdomadaires. Ces jours peuvent être pris sous forme de repos ou faire l’objet d’une indemnisation. Cependant, une question se pose fréquemment en cas de litige : la seule mention de jours de RTT sur le bulletin de paie permet-elle de prouver qu’ils ont effectivement été pris ou indemnisés ?
La réponse, confirmée par la jurisprudence, est non. Si le bulletin de paie est un document à valeur juridique, il ne constitue pas à lui seul une preuve suffisante de l’exécution effective des droits à repos. D’autres éléments doivent venir étayer la preuve du réel octroi des jours concernés, comme les plannings, les demandes écrites ou les validations de la hiérarchie.
Il est essentiel que cette distinction soit faite à la fois par les employeurs et les salariés pour éviter tout risque de litige.

Table des matières
Cadre juridique des RTT
Les jours de réduction du temps de travail (RTT) trouvent leur origine dans les lois Aubry I et II, adoptées respectivement en 1998 et 2000. Ces textes visaient à ramener la durée légale du travail hebdomadaire à 35 heures. Les RTT sont ainsi devenus un dispositif destiné à compenser les heures excédentaires, dans des cadres bien définis : soit par un accord collectif sur l’aménagement du temps de travail, soit dans le cadre d’un forfait jours, particulièrement répandu chez les cadres.
L’utilisation des jours de RTT est encadrée et peut prendre plusieurs formes : repos effectif, report à une date ultérieure, ou indemnisation. Leur traitement dépend notamment du contrat de travail, de la convention collective applicable ou encore des accords internes à l’entreprise.
Typologie des jours de RTT
Pour bien comprendre les implications pratiques, il convient de distinguer les catégories suivantes :
| Type de RTT | Définition | Particularités |
|---|---|---|
| RTT pris | Journées effectivement utilisées comme repos | Journées non prises, mais compensées financièrement |
| RTT indemnisés | RTT acquis, mais non consommés | Fréquent en fin de contrat |
| RTT acquis mais non consommés | Ils peuvent être reportées ou perdues, selon les accords en vigueur | Peuvent être reportées ou perdues, selon les accords en vigueur |
La valeur juridique du bulletin de paie
Un document obligatoire, mais non suffisant
Le bulletin de paie est un document que l’employeur est tenu de remettre au salarié, conformément à l’article L3243-2 du Code du travail. Il doit y figurer des éléments essentiels tels que le montant du salaire, les heures travaillées, et les jours de RTT pris ou indemnisés.
Cependant, en cas de litige, sa valeur probante est limitée. La jurisprudence considère qu’il s’agit avant tout d’une attestation de paiement ou d’une mention administrative, mais qu’il ne constitue pas une preuve de l’exécution effective du droit au repos. Autrement dit, le bulletin de paie peut être contesté par le salarié, particulièrement s’il estime ne pas avoir bénéficié des RTT inscrits.
Jurisprudence récente : l’arrêt du 1er février 2023
Un arrêt marquant de la chambre sociale de la Cour de cassation (n° 21-18.144, 1er février 2023) a réaffirmé cette position. Dans cette affaire, un salarié contestait ne pas avoir profité de ses jours de RTT, bien qu’ils apparaissent sur ses bulletins de paie. Les juges ont tranché : la seule mention de ces jours sur la fiche de paie ne constitue pas une preuve de leur prise effective ou de leur indemnisation.
L’employeur doit donc, en cas de litige, produire des éléments tangibles prouvant que le salarié a bien bénéficié de ses droits. Il peut s’agir de plannings, d’échanges de courriels validant les jours de repos, ou encore de relevés de temps de travail.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 1 février 2023, 21-24.652, Inédit – Légifrance
Conséquences pratiques pour les employeurs et les salariés
La gestion des jours de réduction du temps de travail (RTT) ne se limite pas à leur mention sur le bulletin de paie. Elle suppose une vigilance constante tant du côté des employeurs que des salariés, notamment en matière de traçabilité et de preuve en cas de contentieux.
Pour les employeurs : obligation de rigueur
Les employeurs sont tenus à un suivi précis des jours de RTT. Une simple déclaration administrative ne suffit plus : il s’agit désormais de pouvoir démontrer, en cas de litige, que les droits au repos ont bien été exercés.
| Obligation | Description |
|---|---|
| Traçabilité documentée | Conservation de preuves concrètes : plannings, courriels, pointages, etc. |
| Sécurité juridique | Responsabilité de prouver que les RTT ont été pris ou indemnisés |
| Formation des RH | Sensibilisation au suivi des droits, à la mise à jour des outils de gestion |
Il devient donc essentiel que les services RH ne se contentent pas d’une approche administrative. Une gestion active, documentée et vérifiable des RTT est indispensable.
Pour les salariés : rester vigilants
De leur côté, les salariés ont tout intérêt à adopter une posture proactive pour protéger leurs droits. Cela passe par la conservation des preuves de leurs démarches et une vérification régulière des données mentionnées sur les bulletins de paie.
| Précaution | Utilité |
|---|---|
| Archivage personnel | Garder les demandes de RTT, réponses écrites, échanges de mails |
| Vérification systématique | Comparer les RTT mentionnés sur la fiche de paie avec les jours réellement pris |
| Recours en cas de litige | Si l’employeur ne peut prouver la prise effective, le salarié peut agir |
En somme, la gestion des RTT s’apparente à une véritable coresponsabilité, où chaque partie doit veiller à la conformité des pratiques au regard du droit.
La jurisprudence récente vient clarifier un point essentiel du droit du travail : le bulletin de paie, bien qu’officiel, ne constitue pas une preuve suffisante du bénéfice effectif des jours de RTT. Ce constat impose une vigilance accrue, tant pour les employeurs que pour les salariés, afin d’assurer une gestion rigoureuse et documentée des jours de repos.
La bonne foi ne suffit plus : seules les preuves concrètes feront foi en cas de contentieux.
Un employeur peut-il perdre un litige uniquement à cause d’un manque de preuves ?
Oui. S’il ne peut pas démontrer que les jours de RTT ont été réellement pris ou indemnisés, il peut être condamné à les verser ou à indemniser le salarié.
Est-ce que cela s’applique aussi aux congés payés ou seulement aux RTT ?
La logique est similaire : toute absence du salarié doit être prouvée comme validée et effectuée, quelle que soit sa nature.
Peut-on contester un bulletin de paie plusieurs mois après ?
Oui, dans la limite des prescriptions légales (en général 3 ans pour les créances salariales – article L3245-1 du Code du travail).
Code du travail – Articles L3121-44 et suivants : Réduction du temps de travail.
Cour de cassation, chambre sociale, 1er février 2023, n° 21-18.144
La mention de jours de RTT sur un bulletin de paie n’a qu’une valeur « informative » LégiSocial
Article L3243-2 du Code du travail : Mentions obligatoires du bulletin de paie.
Article L3245-1 du Code du travail : Prescription des actions en paiement de salaire.