Dans le monde du travail, un accident mortel, c’est ce que tout le monde redoute. Un événement lourd, humainement et juridiquement. Jusqu’ici, quand un drame de ce genre survenait, la CPAM menait son enquête et les employeurs pouvaient avoir accès au rapport d’autopsie. C’était la règle depuis près de vingt ans. Mais en avril 2025, tout a basculé.
La Cour de cassation a tranché : désormais, le rapport d’autopsie est protégé par le secret médical, même pour les employeurs. Une décision majeure qui revient sur la jurisprudence de 2005. Un vrai changement de cap.
Et ce changement, il va falloir s’y faire. Car il ne touche pas qu’un point de droit. Il modifie en profondeur la manière dont les employeurs, les services RH, les avocats, les familles des victimes et même les juges vont devoir aborder les dossiers d’accident du travail mortel.
Dans cet article, on va revenir sur ce qui se faisait avant, ce que dit la Cour aujourd’hui, ce que ça change concrètement pour tous les acteurs et comment rester dans les clous juridiquement. Tout ça expliqué simplement, avec des exemples, des tableaux et des mots qui font mouche.

Table des matières
Tout ce qu’il faut vraiment savoir sur l’instruction d’un accident mortel par la CPAM
Lorsqu’un salarié perd la vie dans le cadre de son travail, on entre dans une phase délicate, réglementée, souvent très émotionnelle. Et pour éviter tout flou, c’est la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) qui prend le relais. Elle est légalement tenue de mener une enquête complète, encadrée par le Code de la sécurité sociale. Chaque étape de cette procédure est précise, rigoureuse et encadrée par des textes de loi.
Voici un aperçu détaillé du déroulement classique d’une telle enquête :
Tableau – Déroulement type de l’instruction d’un accident mortel par la CPAM
Étape | Ce que fait la CPAM |
---|---|
Réception de la déclaration | Analyse des premières informations transmises (c. séc. soc. art. R. 441-8) |
Enquête | Sollicite l’autorisation du juge, avec l’accord préalable des ayants droit. |
Autopsie (si jugée nécessaire) | Sollicite l’autorisation du juge, avec l’accord préalable des ayants droit |
Rassemble l’ensemble des pièces : témoignages, constats, certificats, rapports divers. | Rends le dossier accessible aux ayants droit et à l’employeur pour observations éventuelles |
Mise à disposition du dossier | Rends le dossier accessible aux ayants droit et à l’employeur pour observations éventuelles. |
Jusqu’à récemment, une pièce centrale figurait dans ce dossier : le rapport d’autopsie. Il avait sa place, en toute logique, puisqu’il contribuait à mieux comprendre les causes du décès, notamment en cas de doute sur les circonstances ou sur la nature professionnelle du drame.
Mais ce fonctionnement appartient désormais au passé.
En avril 2025, un tournant majeur a été pris : la Cour de cassation a jugé que ce rapport restait un document médical confidentiel, protégé par le secret médical, même quand il s’agissait d’un dossier d’accident du travail.
Ce virage n’est pas qu’une question de principe. Il modifie profondément l’équilibre des droits entre les parties prenantes. Et il oblige tout le monde — employeurs, ayants droit, avocats, services RH — à revoir leur manière d’aborder ces dossiers sensibles.
L’affaire qui a tout fait basculer – Accident mortel
Novembre 2019, un salarié est retrouvé inanimé sur son lieu de travail. L’entreprise déclare l’accident. En février 2020, la CPAM décide de reconnaître l’accident comme professionnel.
Mais l’employeur réagit : il n’a jamais eu accès au rapport d’autopsie. Pour lui, la procédure contradictoire est incomplète. Il attaque la CPAM. La cour d’appel lui donne raison. Et là, surprise : la Cour de cassation casse l’arrêt. Motif ? Secret médical.
Ce que dit la Cour de cassation (arrêt du 3 avril 2025)
Accident mortel : la Cour tranche
Le rapport d’autopsie est un document médical. Il est donc couvert par le secret médical. Aucune disposition légale ne permet à l’employeur d’y avoir accès pendant la phase administrative.
Autrement dit : même si l’autopsie est commandée par la CPAM, le contenu reste confidentiel. Pas question de le glisser dans le dossier mis à disposition de l’employeur.
Le précédent de 2005 : c’est fini.
En 2005, la Cour de cassation avait jugé que l’employeur devait pouvoir consulter le rapport d’autopsie, sous peine d’inopposabilité de la décision de la CPAM.
Mais ça, c’était avant.
Avec cet arrêt de 2025, la Cour aligne sa position sur celle de 2024, concernant déjà les audiogrammes pour les maladies professionnelles. Même raisonnement, même logique. (Accident mortel)
Pourquoi ce revirement ? Une nouvelle lecture des droits fondamentaux
La Cour de cassation n’a pas agi sur un coup de tête. Elle a pris du recul et recentré le débat sur une idée de fond : le respect absolu du secret médical. Même après le décès d’un salarié.
Dans sa décision, elle rappelle plusieurs principes clairs :
- Le secret médical est une obligation pénale, protégée par l’article 226-13 du Code pénal.
- Il ne peut être levé que dans des cas bien précis, expressément prévus par la loi.
- À ce jour, aucune loi n’autorise la transmission automatique du rapport d’autopsie à l’employeur.
- Même si les ayants droit veulent faire reconnaître l’accident comme d’origine professionnelle, cela ne suffit pas à lever le secret. L’accord des proches ne vaut pas dérogation.
Mais alors, l’employeur est totalement exclu ? Pas tout à fait.
Non, ce n’est pas une mise à l’écart complète. La Cour a pris soin de maintenir certaines ouvertures. Des solutions existent, à condition de passer par les voies appropriées.
Tableau – Ce que peut encore faire l’employeur – Accident mortel
Voie possible | Détail |
---|---|
Expertise judiciaire | Il peut saisir un juge pour obtenir une expertise indépendante. L’expert accède au dossier médical. |
Recours auprès de la CMRA | En cas de désaccord, un médecin-conseil de la CPAM peut produire un rapport synthétique explicatif. |
Audience au tribunal | Il peut toujours contester la prise en charge devant le juge, même sans avoir le rapport en main. |
Donc, l’employeur garde des leviers. Mais il doit passer par des procédures plus cadrées, plus lentes parfois, et surtout judiciaires.
Ce que ça implique pour les employeurs, concrètement – Accident mortel
Tu travailles dans les RH, tu gères les dossiers d’accidents du travail ou tu conseilles juridiquement une entreprise ? Voici ce qui change pour toi :
- Oublie le réflexe d’attendre un rapport d’autopsie dans les dossiers que la CPAM te transmet. Il ne sera plus là.
- Si tu penses contester une décision, anticipe. Prends les devants et demande une expertise judiciaire le plus tôt possible.
- Ne t’appuie pas sur un accord tacite des ayants droit : le secret médical reste verrouillé, sauf dérogation légale.
- Renforce tes pratiques internes : développe des protocoles de signalement, des enquêtes internes rigoureuses et assure une bonne traçabilité documentaire.
En résumé, ce revirement ne bloque pas tout, mais il impose de nouvelles règles du jeu. Des règles plus strictes, qui demandent de l’anticipation et une rigueur accrue.
Avec ce changement, la Cour de cassation pose un principe clair et solide : la vie privée du salarié reste protégée, même après son décès. Le respect du secret médical n’est pas une simple formalité. C’est un droit fondamental qui l’emporte sur les besoins de l’employeur (accident mortel).
Cela ne veut pas dire que l’employeur est exclu du processus. Il conserve des moyens d’action, mais il doit maintenant suivre des démarches plus strictes, exclusivement judiciaires. Finie la facilité de l’accès via les circuits administratifs habituels.
Pour les entreprises, c’est un vrai tournant. Une nouvelle façon de voir les choses. Il va falloir repenser les réflexes, ajuster les protocoles internes et renforcer l’appui juridique. Surtout, il faudra adopter une approche plus structurée, plus prudente, où chaque étape compte. La rigueur procédurale devient la clé.