Dans un contexte où les règles changent plus vite qu’elles ne s’installent, la retraite reste une grande inconnue pour une majorité de Français. Et au cœur de cette incertitude, une question persiste, simple en apparence, mais aux ramifications complexes : combien faut-il avoir gagné, en moyenne, pour espérer toucher 1800 € nets par mois une fois à la retraite ?
Derrière cette somme se cache une idée : vivre convenablement sans forcément se priver. Mais pour comprendre ce que cela implique réellement, il faut s’aventurer dans les rouages, parfois opaques, du système de retraite français.

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Deux piliers, une même logique : la répartition
On oublie souvent que la retraite n’est pas une épargne individuelle, du moins pas dans le système public français. Ici, c’est la logique de la répartition qui domine : les cotisations des actifs paient les pensions des retraités. Et ce mécanisme repose sur deux étages :
- Le régime de base, piloté par la CNAV pour les salariés du privé.
- Le régime complémentaire obligatoire, Agirc-Arrco pour les mêmes profils.
Chacun a ses propres règles de calcul. Et ensemble, ils dessinent ce que vous toucherez chaque mois une fois que vous aurez quitté le monde du travail.
Le “taux plein” : pas juste une expression
Obtenir une retraite à taux plein, ce n’est pas automatique. Cela suppose 172 trimestres validés (soit 43 années) pour ceux nés après 1973. Sans ça, c’est la décote. Et cette décote peut faire mal, surtout si la carrière a été fragmentée, ou si le départ est anticipé.
Le taux de remplacement, ou la vraie mesure de votre retraite
Ici, on parle de la part de votre dernier salaire que votre pension remplacera. Et cette part varie beaucoup selon votre statut :
- Un salarié du privé peut espérer 50 à 55 % de son dernier salaire brut.
- Un fonctionnaire, grâce à un mode de calcul plus favorable (les six derniers mois), grimpe souvent à 70 %.
- Les indépendants ? Leur taux peut parfois tomber en dessous des 40 %, selon leur régime et la régularité de leurs revenus.
Mais le taux de remplacement n’est pas figé. Il dépend aussi :
- De votre salaire moyen sur la carrière (pas juste la fin).
- Du nombre d’années cotisées.
- Du moment choisi pour partir.
Viser 1800 € nets : que faut-il vraiment avoir gagné ?
On remonte le fil, à l’envers
Prenons un objectif simple sur le papier : 1 800 € nets par mois à la retraite. Cela correspond, grosso modo, à 2 200 € bruts mensuels. Si on part sur un taux de remplacement à 50 %, il faudrait alors un salaire brut moyen de 4 400 € par mois tout au long de sa carrière.
Pas juste sur les cinq ou dix dernières années. Sur l’ensemble. Car c’est bien là que tout se joue.
Des hypothèses qui serrent les boulons
Ce chiffre n’a de sens que si certaines conditions sont remplies :
- Une carrière complète sans trou.
- Aucun congé non indemnisé non comptabilisé.
- Un départ à l’âge légal, sans décote.
- Et un passage par les régimes de base et complémentaires.
Une remarque importante : le système ne récompense pas uniquement la progression salariale en fin de carrière. Le régime de base regarde vos 25 meilleures années, et l’Agirc-Arrco s’intéresse à l’ensemble de vos points cumulés au fil du temps. Un gros salaire sur les dernières années ? Utile, certes, mais insuffisant à lui seul.

Ce qui fait vraiment varier le montant de votre retraite
Le salaire ne fait pas tout — et c’est souvent là que la confusion commence
Demandez à dix personnes ce qui détermine leur futur retrait et neuf vous parleront de leur niveau de revenu. Mais en réalité, la mécanique est autrement complexe. Le montant que vous toucherez chaque mois dépend d’une combinaison de critères — certains évidents, d’autres beaucoup moins visibles à première vue.
Trimestres cotisés : la base, mais pas une garantie
Le nombre de trimestres validés au fil de votre carrière pèse lourd dans le calcul. C’est le socle. Manquer ne serait-ce que quelques trimestres, c’est courir le risque de voir sa pension amputée. Et attention, ces trimestres ne tombent pas du ciel : il faut avoir réellement travaillé, ou dans certains cas, bénéficier de dispositifs spécifiques.
Partir à l’âge légal ? Ce n’est pas suffisant
L’âge légal de départ à la retraite est fixé à 64 ans aujourd’hui. Mais partir à cet âge sans avoir cotisé suffisamment, c’est s’exposer à une décote. Inversement, ceux qui prolongent leur carrière au-delà du minimum peuvent bénéficier d’une surcote, souvent ignorée, mais très avantageuse à long terme. Un an de plus peut parfois représenter bien plus que ce qu’on imagine.
Les trous dans le parcours : pas toujours neutres
Les périodes sans cotisation — chômage, congé parental, maladie — n’impactent pas toutes votre retraite de la même façon. Certaines sont « assimilées », c’est-à-dire prises en compte malgré l’absence de revenus. Mais d’autres, non. Et c’est souvent sur ces zones grises que la différence se joue. Un congé mal géré peut avoir plus de conséquences qu’un changement de poste.
Avoir des enfants : un bonus, mais pas systématique
Oui, les parents — surtout les mères — peuvent obtenir des trimestres supplémentaires. Mais là encore, cela dépend du statut, du régime, et de temps en temps même de la déclaration de naissance. Rien n’est automatique, et il faut de temps en temps aller chercher ses droits pour qu’ils soient reconnus. Le système ne fait pas toujours dans la spontanéité.
L’influence (sous-estimée) des régimes complémentaires
Beaucoup de salariés pensent que leur pension viendra essentiellement du régime général. C’est en partie vrai, mais le régime Agirc-Arrco, lui, pèse lourd. Très lourd, même. Il fonctionne avec des points acquis chaque année. Et comme tout système de points, ce sont la régularité et la durée qui paient. Un bon salaire ponctuel n’aura pas le même impact qu’une carrière lisse et continue.
Vous voulez 1800 € nets de retraite ? Voici comment s’en rapprocher
Rester en activité un peu plus longtemps
Travailler plus longtemps, ce n’est pas seulement pour gagner quelques mois de pension. C’est un levier efficace : chaque année supplémentaire, une juste amélioration du niveau de retraite. La surcote est méconnue, mais elle est puissante.
Racheter des trimestres : parfois, ça vaut le coup
Si vous avez étudié longtemps ou eu des années peu remplies, le rachat de trimestres peut se révéler judicieux. Ce n’est pas donné, bien sûr. Mais sur 15 ou 20 ans de retraite, l’investissement est souvent amorti — et parfois avec marge.
Cotiser davantage quand on le peut
Certains ont la main sur leur base de cotisation — les indépendants, notamment. Opter pour une cotisation plus élevée, c’est s’assurer des droits plus solides. Peu le font, mais ceux qui anticipent finissent souvent par s’en féliciter.
L’épargne privée : ne plus compter uniquement sur l’État
Le système par répartition n’est pas éternellement extensible. Pour garantir un revenu stable à la retraite, les dispositifs comme le Plan d’Épargne Retraite (PER) sont devenus incontournables. Et ceux qui ont anticipé — immobilier, assurance vie, placements divers — arrivent à la retraite avec une marge de manœuvre que d’autres n’ont pas.
Personne ne peut prédire exactement ce que vous toucherez à 67 ans. Mais ne rien prévoir du tout, c’est prendre un risque. Simuler sa retraite à 40 ou 45 ans, c’est souvent le moment clé. Celui où vous pouvez encore agir, ajuster, corriger.
Parce que le pire, c’est de découvrir à la dernière minute qu’on a manqué quelque chose qu’on aurait pu facilement corriger dix ans plus tôt.