Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 octobre 2025 (Cass. soc., 22 oct. 2025, n° 24‑17826 FD) apporte une précision importante pour l’employeur comme pour le salarié.
Il portait sur la question de savoir si, dans un licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, l’ancienneté utilisée pour le calcul de l’« indemnité spéciale de licenciement » doit intégrer la durée du préavis ou non. La Cour répond clairement que non, la durée de préavis ne doit pas être ajoutée à l’ancienneté.

Table des matières
Rappel du contexte juridique
Lorsqu’un salarié en CDI est déclaré inapte à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le régime d’indemnisation diffère de celui d’une inaptitude « classique ». L’article L. 1226‑14 du Code du travail prévoit deux indemnités spécifiques :
- une indemnité spéciale de licenciement, égale au double du montant légal de l’indemnité ordinaire de licenciement ;
- une indemnité dite « compensatrice de préavis AT/MP », d’un montant égal à l’indemnité de préavis due en cas de licenciement — mais calculée sur la base de la durée légale, et non conventionnelle, du préavis. Village de la Justice
Il faut souligner que cette indemnité « compensatrice de préavis AT/MP » n’a pas la nature juridique d’un véritable préavis : son versement ne repousse pas la date de cessation du contrat de travail. C’est la jurisprudence constante.
Faits de l’affaire
Dans l’affaire en question, une salariée avait été embauchée en décembre 2007 en CDI, avait été déclarée inapte en octobre 2018 suite à un accident du travail, et licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement en janvier 2019. L’inaptitude avait bien une origine professionnelle.
L’employeur avait versé les indemnités dues à titre de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, mais un litige portait sur le montant précis de l’indemnité spéciale de licenciement. La cour d’appel avait estimé que l’ancienneté devait inclure la durée du préavis (d’un montant de 624,32 € nets allégués). L’employeur contestait cette position. La Cour de cassation a tranché en faveur de l’employeur.
Solution de la Cour de cassation
La Cour rappelle que l’indemnité compensatrice de préavis AT/MP, prévue à l’article L. 1226‑14, n’a pas le statut d’une indemnité de préavis. Par conséquent, son paiement n’a pas pour effet de retarder la date de fin du contrat de travail. Il s’ensuit que la durée du préavis ne peut pas être ajoutée pour le calcul de l’ancienneté servant à l’indemnité spéciale de licenciement. La Revue Fiduciaire
Tableau comparatif : ancienneté à prendre en compte
| Situation | L’ancienneté prise en compte pour l’indemnité spéciale | Remarques |
|---|---|---|
| Inaptitude d’origine professionnelle (CDI) | Ancienneté jusqu’à la date de notification du licenciement | La durée de préavis ne s’ajoute pas |
| Indemnité compensatrice de préavis AT/MP | Non prise en compte dans l’ancienneté | Elle n’a pas la nature juridique d’un préavis |
| Périodes de suspension du contrat (accident du travail / maladie professionnelle) | Ces périodes sont bien intégrées dans l’ancienneté. | Assimilées à du temps de travail effectif Village de la Justice |
Implications pratiques
Pour l’employeur : il importe de calculer l’ancienneté du salarié à la date effective de la notification du licenciement, sans y ajouter la durée du préavis. Cela permet d’éviter un surcoût injustifié et de sécuriser la rupture. Pour le salarié : cela signifie que l’indemnité spéciale sera calculée sur une ancienneté « réelle » et non prolongée artificiellement par la durée d’un préavis non effectué.
Autre point à retenir : bien que la durée du préavis ne s’ajoute pas, les périodes de suspension du contrat — comme l’arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle — sont prises en compte pour l’ancienneté.

Cette décision offre un éclairage utile : dans le cadre d’un licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle d’un salarié en CDI, l’indemnité spéciale de licenciement doit être calculée en tenant compte de l’ancienneté exclusivement jusqu’à la date de la notification du licenciement.
Le versement de l’indemnité compensatrice de préavis AT/MP ne crée pas de prolongation du contrat et ne modifie donc pas l’ancienneté utile. Cette précision renforce la cohérence entre la nature juridique des indemnités et leur impact pratique.