Quand un représentant du personnel bosse en horaires décalés, il a droit à son repos après ses heures de délégation.
C’est ce que la Cour de cassation a clairement rappelé dans une décision rendue le 4 juin 2025. En gros, même si le salarié utilise ses heures de mandat, il ne doit pas pour autant perdre le bénéfice du repos prévu dans le cadre du travail posté.

Table des matières
L’affaire : une salariée élue du personnel réclame un rappel de salaire au titre de temps de repos
Les faits
Une salariée, investie de mandats de déléguée syndicale et de membre élue du comité social et économique (CSE), a été licenciée pour inaptitude physique, sans possibilité de reclassement. Elle a alors saisi le conseil de prud’hommes pour contester plusieurs points, notamment pour obtenir un rappel de salaire. Selon elle, son employeur lui devait une compensation au titre du temps de repos qu’elle n’avait pas pu prendre.
La salariée travaillait en horaires postés et bénéficiait, dans ce cadre, d’un régime spécifique issu d’un accord de réduction du temps de travail à 35 heures. Cet accord lui garantissait un repos minimal de 16 heures entre deux journées de travail en poste. Elle soutenait que ce droit au repos devait rester acquis, y compris après avoir utilisé des heures de délégation syndicale.
Un rappel utile sur le travail posté
Le travail posté repose sur une organisation en roulement où les salariés se relaient sur un même poste de travail à des horaires différents. L’objectif est d’assurer une continuité dans la production. Ce mode de fonctionnement entraîne souvent des horaires atypiques et une certaine fatigue, d’où l’importance des temps de repos entre les postes.
Le point de désaccord
L’employeur, de son côté, interprétait l’accord autrement. Il mettait en avant une clause selon laquelle « tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives », et précisait que les signataires affirmaient leur volonté de garantir, pour les salariés postés, « un repos d’une durée de 16 heures entre chaque poste », sauf exceptions prévues.
À ses yeux, cette formulation signifiait que le repos de 16 heures se poser sa candidature de travail. Si le salarié effectuait une autre activité — comme des heures de délégation syndicale — ce repos étendu ne s’appliquait plus. En somme, il ne s’agissait pas d’un droit général, mais d’une disposition liée à l’enchaînement direct de postes.

Un repos reconnu après les heures de délégation : la position des juges confirmée
Un droit au repos identique à celui du travail posté
La salariée soutenait que, même après avoir utilisé ses heures de délégation syndicale, elle devait pouvoir bénéficier du même repos que si elle avait été en poste. Les juges d’appel ont partagé cette lecture. Pour eux, la nature des heures de délégation — bien qu’elles ne soient pas directement consacrées à la production — n’enlève rien au droit au repos ensuite. Ils ont donc estimé qu’elle devait bénéficier du repos quotidien dans les mêmes conditions que si elle avait effectivement travaillées sur son poste habituel.
La Cour de cassation donne raison à la salariée
La Cour de cassation a validé cette approche en s’appuyant sur l’article L. 2143-17, alinéa 1ᵉʳ du Code du travail. Ce texte précise que les heures de délégation sont considérées comme du temps de travail à part entière et qu’elles doivent être payées normalement, comme toute autre activité professionnelle.
Dans cette affaire, la salariée était soumise à un système de travail posté et bénéficiait, grâce à un accord sur les 35 heures, d’un repos minimal de 16 heures entre chaque poste. La Cour a rappelé que l’usage de ses heures de délégation ne modifiait pas ce droit. Elle devait donc pouvoir prendre ce repos compensateur après ses activités syndicales, avant de reprendre son poste, exactement comme si elle avait travaillé sur la ligne ou en production.
Cette décision confirme que les missions syndicales n’ont pas pour effet de réduire les droits fondamentaux liés à la santé et à la récupération du salarié posté.
Source juridique
Cour de cassation, chambre sociale, 4 juin 2025, n° 23-17.854 FD.
Cette décision de la Cour de cassation du 4 juin 2025 marque un rappel fort : les heures de délégation, bien qu’affectées à des fonctions syndicales, ne diminuent en rien les droits du salarié, notamment celui au repos. Pour les salariés postés, cela signifie que leur rythme de travail particulier — souvent exigeant — doit continuer à être compensé, même lorsqu’ils s’absentent de leur poste pour remplir un mandat. L’enjeu ici dépasse le simple calcul d’heures. Il s’agit de garantir des conditions de travail équitables et de respecter la récupération physique nécessaire pour préserver la santé.
Les heures de délégation sont-elles considérées comme du temps de travail ?
Oui. L’article L. 2143-17 du Code du travail indique clairement que ces heures doivent être rémunérées comme du temps de travail normal.
Un salarié en travail posté peut-il bénéficier de son repos compensateur après une délégation ?
Oui. Si un accord prévoit un repos spécifique (comme 16 heures), celui-ci s’applique aussi après une période de délégation.
L’employeur peut-il refuser ce repos en invoquant l’absence d’activité physique sur le poste ?
Non. La Cour de cassation a précisé que ce repos est lié à l’organisation du travail posté et non à la nature exacte de l’activité effectuée durant la journée.
Que risque un employeur qui refuse ce droit au repos ?
Il s’expose à une condamnation devant les prud’hommes, notamment à un rappel de salaire, et potentiellement à des dommages-intérêts en cas de violation des droits du salarié.
Cette décision s’applique-t-elle à tous les salariés syndiqués ?
Elle s’applique principalement aux salariés en travail posté bénéficiant d’un accord collectif prévoyant un temps de repos étendu. Mais elle rappelle plus largement que les droits liés à la santé au travail s’imposent aussi durant l’exercice d’un mandat syndical.