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Absence de visite médicale d’embauche : pas d’indemnisation sans préjudice prouvé

On parle rarement de la visite médicale d’embauche, et pourtant, elle n’est pas anodine. C’est l’un des premiers filtres — parfois le seul — qui permet de s’assurer que le salarié est apte à occuper le poste qu’on lui confie. En théorie, c’est une obligation claire pour l’employeur. En pratique ? Il arrive que cette formalité passe à la trappe.

Volontairement ou non, peu importe : l’entreprise s’expose à des risques. Mais attention — et c’est là que le droit tranche finement — le salarié ne peut pas réclamer réparation sans prouver qu’il a réellement subi un préjudice. Ce n’est pas parce qu’une règle a été oubliée qu’elle ouvre automatiquement droit à indemnisation. Le droit, ici, exige du concret, pas des principes abstraits.


Le cadre juridique de la visite médicale d’embauche

La visite médicale, avant même d’être une formalité administrative, relève d’une obligation légale — et pas des moindres. Le Code du travail, entre les articles R4624-10 et R4624-23, encadre précisément ce passage obligé. Son but ? S’assurer que la personne embauchée est physiquement et mentalement en état d’assumer les tâches qu’on attend d’elle. Cela dit, les délais ne sont pas infinis : la visite doit avoir lieu dans les trois mois suivant l’arrivée du salarié. Sauf exception. Pour certains postes jugés à risque, elle devient même un prérequis à toute prise de fonction.

Cela étant, le droit laisse aussi une certaine marge : si un salarié a récemment passé une visite pour un poste identique, il se peut qu’elle ne soit pas exigée de nouveau. Parfois, il s’agira simplement d’une VIP — une visite d’information et de prévention. D’autres fois, on ira plus loin, vers un examen renforcé. Ce qui compte, au fond, c’est le lien entre le poste et l’état de santé.

Et si l’employeur oublie ou néglige cette obligation ? Il prend un risque. Juridiquement, sa responsabilité peut être engagée. Mais — et c’est un mais important — encore faut-il que le salarié parvienne à démontrer qu’il en a réellement subi un dommage. Le droit ne se contente pas d’un manquement : il exige la preuve du préjudice.

Sources légales à mentionner :

  • Code du travail – Article R4624-10 à R4624-15 : obligations générales de suivi médical.
  • Code du travail – Article R4624-22 : cas des postes à risques.
  • Code du travail – Article L4624-1 : définition et rôle du médecin du travail.
  • Article 131-36 – Code pénal – Légifrance

Jurisprudence : absence de visite ≠ indemnisation automatique

On pourrait croire, à première vue, qu’un employeur qui omet la visite médicale d’embauche s’expose mécaniquement à devoir indemniser le salarié. Ce n’est pourtant pas si simple. La Cour de cassation l’a rappelé à plusieurs reprises, et notamment dans un arrêt du 13 mars 2019 (Cass. soc., n° 17-28.067) : l’oubli de cette formalité, même s’il enfreint la loi, ne déclenche pas automatiquement un droit à réparation. Dans cette affaire, un salarié réclamait des dommages et intérêts en s’appuyant uniquement sur l’absence de visite. Résultat ? Rejet. La Cour a estimé qu’aucun préjudice concret, personnel ou direct n’avait été démontré.

Ce genre de décision, loin d’être isolé, reflète une ligne jurisprudentielle bien ancrée : un manquement, aussi clair soit-il, ne suffit pas à lui seul à engager la responsabilité de l’employeur. Il faut plus qu’un simple écart de procédure — il faut du dommage prouvé.


Ce que dit le droit, en toile de fond

Derrière cette position, il y a un socle juridique solide : l’article 1240 du Code civil. Il affirme que toute faute n’entraîne réparation que si elle cause un dommage. Autrement dit, l’existence d’une faute ne fait pas tout : il faut encore établir un lien avec un préjudice réel. Cela peut sembler sévère, mais c’est aussi ce qui empêche la banalisation des indemnisations fondées sur des manquements purement formels, sans impact tangible. La Cour de cassation, ici, ne fait qu’appliquer ce principe de manière cohérente — au fond, elle cherche un équilibre entre les droits du salarié et la protection de l’employeur contre des recours abusifs.


Ce que ça implique pour les uns et les autres

Pour un employeur, négliger la visite médicale d’embauche, ce n’est pas juste une erreur de paperasse — c’est une infraction, claire et nette. Et quand l’inspection du travail tombe dessus, elle ne fait pas semblant : il peut y avoir des suites administratives, voire pénales. Ce n’est pas fréquent, mais ça arrive. Et surtout, si un litige surgit plus tard — disons, un problème de santé lié au poste — ne pas avoir respecté cette étape peut vite devenir un point faible dans un dossier.

Du côté des salariés, cette visite est loin d’être symbolique. C’est un moment qui peut compter, même si on ne s’en rend pas toujours compte sur le coup. Elle permet de faire le point, de vérifier que le boulot n’ira pas contre la santé. Et plutôt, ça ouvre un espace de dialogue avec le médecin du travail — pour évoquer des limites, poser des questions, ou proposer des ajustements. En vrai, ce petit temps de prévention peut éviter bien des galères. Et quand on y pense, c’est souvent là que tout se joue : ce qu’on anticipe n’a pas besoin d’être réparé.

Cour de cassation, chambre sociale, 13 mars 2019, n° 17-28.067

Code civil – Article 1240 (ancien art. 1382)

Code du travail – L4624-1 à L4624-3 (sur le rôle du médecin du travail)

Dossier législatif du ministère du Travail sur la santé au travail


La visite médicale d’embauche demeure une obligation incontournable pour l’employeur, essentielle à la prévention des risques professionnels. Toutefois, son absence ne suffit pas, en soi, à justifier une indemnisation. Le salarié doit prouver un préjudice réel pour obtenir réparation. Cette exigence rappelle l’importance d’un suivi rigoureux dès l’entrée en poste, dans l’intérêt de toutes les parties.

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