L’indemnité de non-concurrence doit être en rapport avec la durée de la clause et l’ampleur de la restriction imposée au salarié. Si elle est trop faible, le juge peut la considérer comme symbolique, donc invalide. Dans un arrêt du 14 mai 2025, la Cour de cassation a rappelé que chaque situation doit être analysée selon le poste occupé.
Elle a critiqué une cour d’appel pour avoir comparé l’indemnité d’un directeur d’agence à celle prévue pour un négociateur immobilier. Une telle comparaison n’est pas pertinente, car les fonctions, responsabilités et enjeux économiques diffèrent fortement selon les métiers.

Table des matières
Indemnité de non-concurrence : l’essentiel à retenir
Qu’est-ce qu’une clause de non-concurrence ?
La clause de non-concurrence empêche un salarié, une fois son contrat rompu, d’exercer une activité qui pourrait porter atteinte aux intérêts de son ancien employeur. Pour être valide, elle doit être définie dans le contrat ou un accord, avec précision sur la durée, le périmètre géographique et le type d’activités interdites.
Une compensation obligatoire
En échange de cette restriction, le salarié perçoit une indemnité financière. Cette compensation n’est pas symbolique : elle vise à équilibrer la perte de liberté professionnelle. Elle s’impose à l’employeur, même si le salarié retrouve rapidement un emploi dans un autre secteur.
Des critères d’évaluation encadrés
Le montant de cette indemnité dépend de plusieurs éléments :
- La durée de la clause.
- La surface géographique couverte.
- Le poste occupé et ses responsabilités.
- Le niveau de rémunération antérieure.
Le droit exige aussi que cette indemnité ne soit pas dérisoire. Elle doit respecter au minimum les montants fixés par la convention collective, lorsqu’elle existe.

Récapitulatif des règles en vigueur
Élément | Exigence légale ou jurisprudentielle |
---|---|
Clause écrite | Obligatoire, avec périmètre, durée, fonctions précises |
Contrepartie financière | Obligatoire, versée après la fin du contrat |
Proportionnalité | Indemnité liée à la durée, zone, poste et niveau de salaire |
Interdiction du caractère dérisoire | La somme versée doit être significative |
Référence à la convention collective | L’indemnité ne peut être inférieure au seuil prévu, s’il existe |
Clause de non-concurrence : une affaire de seuil non respecté
Contexte du litige
Un directeur d’agence immobilière, licencié pour faute grave, décide de porter l’affaire devant les prud’hommes. Son objectif ? Faire annuler la clause de non-concurrence incluse dans son contrat de travail. Selon lui, l’indemnité versée ne respecte pas le montant minimum prévu par la convention collective en vigueur.
Décision des juges d’appel
La cour d’appel donne raison au salarié. Elle considère que la somme allouée au titre de la clause ne respecte pas le seuil plancher fixé par les dispositions conventionnelles. En conséquence, la clause est jugée inopposable : le salarié retrouve ainsi sa liberté professionnelle, mais doit rembourser les sommes perçues.
Revirement de la Cour de cassation
La Cour de cassation ne partage pas cette position. Elle estime que l’analyse des juges d’appel ne repose pas sur une évaluation adéquate du caractère suffisant ou non de l’indemnité. Autrement dit, elle rappelle que la simple comparaison avec le seuil conventionnel ne suffit pas à invalider une clause.
Clause de non-concurrence : pourquoi la cour d’appel a jugé l’indemnité dérisoire.
La base juridique utilisée
L’analyse des juges d’appel repose sur un article précis de la convention collective de l’immobilier (article 9, annexe IV). Celui-ci prévoit que les négociateurs immobiliers ont droit à une indemnité de non-concurrence équivalente à 20 % du salaire brut mensuel moyen des trois derniers mois, en excluant les primes exceptionnelles et les frais professionnels.
Un raisonnement en trois étapes
Les juges ont évalué le caractère dérisoire de l’indemnité prévue pour ce cadre en comparant plusieurs éléments :
- Premièrement, la clause du contrat de travail accordait une indemnité à hauteur de 15 % du salaire brut mensuel de base, hors intéressement. Un taux que l’employeur justifiait en se référant à celui fixé pour les négociateurs, bien qu’il s’agisse ici d’un cadre dirigeant occupant le plus haut niveau de la classification.
- Deuxièmement, selon la cour, le taux conventionnel plus favorable de 20 % aurait dû s’appliquer automatiquement, le salarié pouvant s’en prévaloir, même si ce taux ne concernait initialement que les négociateurs immobiliers.
- Troisièmement, un autre cadre, engagé dans une autre société du même groupe à un niveau hiérarchique inférieur, bénéficiait d’un taux plus élevé, à savoir 25 %, hors prime de résultat.
La cour d’appel
Ces trois éléments ont conduit la cour à estimer que l’indemnité fixée à 15 %, sans tenir compte de l’intéressement au résultat, ne correspondait pas au niveau de responsabilités du salarié. Résultat : elle a été jugée trop faible pour être considérée comme une vraie contrepartie.
Récapitulatif du raisonnement des juges d’appel
Élément examiné | Constat de la cour d’appel |
---|---|
Taux fixé dans le contrat | 15 % du salaire brut mensuel de base, sans intéressement |
Taux prévu par la convention collective | 20 % pour les négociateurs – plus favorable, donc applicable au salarié cadre |
Comparaison avec un autre salarié du groupe | Un cadre moins bien classé a perçu 25 % |
Appréciation globale | L’indemnité versée au cadre dirigeant est jugée insuffisante et ainsi dérisoire |
La position de la Cour de cassation : une mauvaise comparaison
Une erreur de raisonnement pointée du doigt
La Cour de cassation n’a pas validé l’approche suivie par la cour d’appel. Elle lui reproche d’avoir comparé le montant de l’indemnité de non-concurrence perçue par un directeur d’agence à celui prévu pour une autre catégorie de salariés : les négociateurs immobiliers. Or, ces deux fonctions ne sont ni équivalentes en responsabilité ni en portée.
Un critère central : la liberté de travailler
La Haute juridiction rappelle que, pour apprécier si une indemnité est dérisoire, il faut se concentrer sur le niveau réel d’atteinte à la liberté du salarié de retravailler, et non se contenter de comparer avec un seuil prévu pour d’autres fonctions. Ce raisonnement est jugé trop rigide et hors sujet.
Une précision utile sur les conventions collectives
Le simple fait qu’un montant minimum soit fixé par la convention pour une catégorie donnée ne signifie pas que ce même seuil doit s’appliquer à tous. Chaque clause de non-concurrence doit être évaluée au regard de la catégorie professionnelle concernée. Ainsi, si aucun plancher n’est prévu pour une catégorie, il n’y a pas de transposition automatique possible.
Et maintenant ?
L’affaire est donc renvoyée devant une nouvelle cour d’appel, chargée de juger l’affaire à nouveau, cette fois-ci selon les critères corrigés par la Cour de cassation.
Une clause de non-concurrence est-elle obligatoire dans tous les contrats ?
Non. Elle n’est pas systématique. Elle doit être prévue expressément dans le contrat de travail ou un accord signé par les deux parties.
L’employeur est-il obligé de verser une compensation ?
Oui. Sans indemnité financière, la clause est nulle. Cette contrepartie est indispensable, car elle limite la liberté du salarié.
Comment déterminer si l’indemnité est suffisante ?
Il faut apprécier l’ampleur de la restriction : durée, zone géographique, fonctions exercées, niveau de rémunération. Une indemnité trop faible peut être jugée dérisoire.
Peut-on se baser sur la convention collective pour fixer le montant ?
Seulement si elle prévoit un seuil pour la catégorie concernée. Sinon, on ne peut pas appliquer un taux prévu pour d’autres fonctions, comme l’a rappelé la Cour de cassation.
Que se passe-t-il si la clause est jugée inopposable ?
Le salarié retrouve sa liberté professionnelle, mais devra généralement rembourser les sommes perçues au titre de la clause.
Qui décide du caractère dérisoire ou non de l’indemnité ?
Ce sont les juges qui évaluent si la somme versée compense réellement la restriction imposée au salarié.
La clause de non-concurrence doit s’apprécier au cas par cas. Ce qui compte, ce n’est pas un seuil appliqué à d’autres fonctions, mais l’impact réel sur la liberté de travailler du salarié. La Cour de cassation l’a rappelé clairement : la comparaison avec d’autres catégories n’a pas de valeur si elle ne tient pas compte du poste et des responsabilités propres à l’intéressé.