Enceinte et licenciée pour risques psychosociaux — un cas rare, mais reconnu par la loi.
Une salariée enceinte ne peut pas être licenciée, sauf dans deux cas bien précis. Le premier concerne une faute grave. Le second, plus rare, repose sur l’impossibilité réelle de maintenir son contrat de travail. Un arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 2025 illustre parfaitement ce cadre exceptionnel.
Dans cette affaire, le retour de la salariée dans son ancienne équipe aurait provoqué de fortes tensions. Son bien-être mental, comme celui de ses collègues, aurait été mis en danger. Pour éviter cette situation, l’employeur a proposé un poste équivalent dans un autre établissement. Elle a refusé. Dès lors, la Cour a estimé que le contrat ne pouvait plus être maintenu.
Ce type de licenciement reste marginal, mais il rappelle que la protection liée à la grossesse a des limites quand la santé psychologique collective est en jeu.

Table des matières
Ce que dit la loi sur la protection d’une salariée enceinte
Une salariée enceinte bénéficie d’une protection particulière contre le licenciement. Ce droit s’applique dès lors que sa grossesse est médicalement reconnue.
Dès que cette protection s’applique-t-elle ?
- Durant toute la période où son contrat est suspendu pour congé maternité. Peu importe si elle prend ou non ce congé.
- Et aussi pendant ses congés payés s’ils suivent directement le congé maternité.
- Puis encore durant les 10 semaines qui suivent la fin de ces absences.
Mais dans quels cas le contrat peut-il être rompu ?
Il existe deux exceptions bien précises :
- Une faute grave commise par la salariée, sans rapport avec sa grossesse.
- Ou bien une impossibilité réelle de maintenir son contrat, pour une raison sans lien avec la grossesse ou l’accouchement.
Attention à la procédure
Même si l’une de ces exceptions est retenue, l’employeur ne peut ni notifier la rupture ni y donner effet durant la période de suspension du contrat.
Un exemple récent ? Dans un arrêt du 27 mai 2025, la Cour de cassation a validé un licenciement pour impossibilité de maintien du contrat. La raison ? Le retour de la salariée aurait mis en danger l’équilibre psychologique de l’équipe et le sien. Elle avait aussi refusé un poste alternatif proposé par l’entreprise pour éviter cette situation.
En cas de non-respect de ces règles, le licenciement est automatiquement annulé.
Risques psychosociaux signalés : retour au poste compromis pour une salariée
Dans cette situation, plusieurs acteurs ont tiré la sonnette d’alarme : collègues de travail, représentants du personnel et inspection du travail. Tous ont souligné un risque élevé pour la santé mentale de l’équipe, mais aussi pour la salariée elle-même, si elle revenait à son ancien poste.
Voici ce qui s’est passé :
Résumé des faits :
Une ingénieure, après deux congés maternité, a pris un congé parental, puis a été arrêtée plusieurs fois pour maladie. Une fois jugée apte à reprendre le travail, l’employeur a décidé de la dispenser temporairement d’activité. Pourquoi ? Parce qu’un rapport des représentants du personnel allait bientôt être rendu.
Ce rapport faisait suite à une alerte de neuf collègues qui exprimaient une forte inquiétude. Selon eux, son retour risquait d’aggraver l’ambiance et de provoquer des tensions sérieuses dans l’équipe.
Constats des différents intervenants :
Acteur | Constat |
---|---|
Salariés de l’équipe | Signalent des tensions et une dégradation de l’ambiance de travail. |
Représentants du personnel | Ils confirment dans un rapport des risques psychosociaux graves. |
Inspection du travail | Évalue la situation comme dangereuse pour l’équipe et la salariée elle-même. |
Réaction de l’employeur :
Respectant son obligation de sécurité, l’employeur propose un poste équivalent dans un autre établissement. Mais la salariée refuse cette affectation. Ensuite, elle est convoquée à un entretien préalable à un possible licenciement. C’est à ce moment-là qu’elle informe l’employeur de sa nouvelle grossesse.
Ce cas montre à quel point la gestion du retour d’un salarié peut être sensible, surtout lorsque des alertes sérieuses sont émises concernant l’impact sur la santé mentale collective.
Licenciement pour impossibilité de maintien du contrat
Malgré la nouvelle grossesse annoncée, l’employeur a poursuivi la procédure de licenciement. Il s’est appuyé sur un ensemble de faits, en soulignant que la rupture du contrat n’avait rien à voir avec la maternité, mais avec un climat de travail devenu trop fragile.
Éléments invoqués dans la lettre de licenciement :
- Inquiétudes de l’équipe :
Les collègues redoutaient un retour à des conditions de travail stressantes. Ils affirmaient que la salariée quittait fréquemment son poste en pleine journée, les laissant avec des tâches inachevées à gérer seuls. Ils évoquaient également des erreurs qu’ils devaient corriger, provoquant une surcharge de travail et un stress moral élevé. - Rapport interne :
L’employeur s’est référé au rapport d’enquête des représentants du personnel. Ce rapport mettait en avant des risques psychosociaux sérieux en cas de retour de la salariée, pour elle comme pour l’équipe. - Avis médical :
Le médecin du travail avait tiré des conclusions similaires, en évoquant un risque réel pour l’équilibre psychologique de tous. - Retours clients :
Certains clients ayant été en contact avec la salariée avaient fait part de leur mécontentement, ce qui a aussi pesé dans la balance.
Synthèse des motifs mentionnés :
Motif évoqué | Détails fournis par l’employeur |
---|---|
Stress ressenti par les collègues | Absences répétées, tâches non accomplies, erreurs à corriger. |
Risques psychosociaux | Confirmés par les représentants du personnel et le médecin du travail. |
Qualité de service remise en cause | Clients insatisfaits de la relation professionnelle avec la salariée. |
L’employeur a donc tenté de démontrer que le maintien de la salariée à son poste était devenu objectivement impossible, en dehors de toute considération liée à sa grossesse.
Quand les risques psychosociaux et le refus d’un autre poste rendent le maintien impossible ?
Après avoir été licenciée, la salariée conteste cette décision en justice. D’abord devant le conseil de prud’hommes, puis devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Mais dans les deux cas, sa demande de nullité du licenciement est rejetée. Elle tente alors un dernier recours auprès de la Cour de cassation. Même issue : la décision de l’employeur est validée.
Pourquoi les juges lui donnent-ils tort ?
Chaque employeur est légalement tenu d’assurer la sécurité de ses salariés. Cela comprend aussi la prévention des risques psychosociaux (article L. 4121-1 du Code du travail). Ici, l’employeur avait bien pris les devants. Il a proposé un autre poste à la salariée, équivalent au sien, dans un autre établissement. Ce poste respectait ses compétences et son statut. Mais elle l’a refusé.
À ce stade, l’entreprise ne pouvait pas la réintégrer dans son ancien poste sans exposer l’équipe, ni elle-même, à de nouveaux risques psychologiques. Dès lors, les juges ont estimé qu’il y avait bien impossibilité de maintien du contrat.
En fine, la procédure a été jugée satisfaisante. L’entreprise a respecté son obligation de sécurité, et le refus de la salariée de rejoindre un autre poste a conduit à une situation de blocage. Le licenciement n’avait rien à voir avec sa grossesse, et il était donc légalement justifié.

Le licenciement d’une salariée enceinte est exceptionnel, mais possible si l’employeur prouve que son maintien expose l’équipe ou elle-même à des risques psychosociaux.
Dans cette affaire, malgré la grossesse, le refus d’un poste alternatif et les tensions internes ont justifié la rupture du contrat, validée à chaque niveau judiciaire.